Portrait Amoureux du bois

Posée les pieds en l’air sur la machine à bois, une table en noyer attend ses dernières finitions. « Dans notre famille, on bricole beaucoup », résume Patrick Mantrand. Polyculteur - pommes, pêches, tomates, courgettes -, il réserve à la saison froide le temps passé dans son atelier. Ce passionné de menuiserie façonne des meubles pour un usage familial depuis trois décennies. « Je coupe des arbres de notre campagne ou bien chez des voisins. Une énorme bille de mélèze m’a été offerte, un jour. La scierie ambulante d’un ami débite des planches. »

Sous un appentis, sont en effet remisées de grandes pièces brutes d’acacia, de noyer, de chêne, de sapin, et de bois exotique aussi. Patrick a refait tous les volets de sa maison, une belle bastide sur trois niveaux. Il a restauré les portes intérieures, a fabriqué des tabourets, bancs, tables de jardin, escaliers à pas décalés, etc. « Notre maison est ancienne, rien n’est droit. Il vaut mieux du mobilier sur mesure », indique son épouse Marie, préparatrice en pharmacie. Cette année, avant la période de taille, l’amoureux du bois a terminé une commode pour leur chambre, et des rangements sous l’escalier.

Patrick Mantrand a commencé dans les années 2000 à couper, percer, poncer, assembler et lasurer. Il n’y avait pas de tutoriel numérique à l’époque. L’autodidacte a lu des livres et s’est beaucoup exercé. Il avait cela dans le sang. Son père Michel s’était formé à la menuiserie-charpenterie chez les Compagnons du Devoir et du tour de France. « Il a notamment construit en Afrique des ponts en bois, a monté la charpente de notre hangar mais ne m’a jamais enseigné sa technique des tenons et mortaises. J’ai appris seul, et je me suis bien outillé, avec un combiné et des machines électroportatives. »

Quatre générations

Par contre, il a passé du temps, enfant, à observer son grand-père Jules créer des petits meubles soignés. La maison des Mantrand conserve encore quelques pièces d’ébénisterie, conçues par l’aïeul. C’est lui aussi qui a acheté la campagne familiale dans les années 60, une magnanerie transformée en verger par Michel.

Patrick a pris la suite. Il est aujourd’hui l’un des derniers arboriculteurs d’Entrevaux (Alpes-de-Haute-Provence). Une partie de sa production est vendue en direct à Nice et à la Maison de Pays de Beauvezer qu’il préside. L’homme grand et carré d’épaules, affable et actif, se repose rarement. S’il n’est pas sur l’exploitation, il roule en VTT à assistance électrique ou randonne à pied, été comme hiver, en famille. Il a aussi accompagné des groupes en montagne.

Dans son atelier de menuisier, il aime se concentrer sur la rectitude des éléments à assembler ou sur le grain du bois après le passage de la ponceuse. Pierre, son fils aîné, a attrapé le virus à son tour. Il a monté au fond du jardin un bar, et a métamorphosé de grands enrouleurs de câbles électriques en table et fauteuils. Comme les générations précédentes, il a de la suite dans les idées.